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                           Actes du 1er atelier Valorisation et Analyse des Données de la Recherche (VADOR)




Les données de la recherche vues au travers
des lunettes du genre : quand
l'informatique rencontre les sciences
humaines et sociales pour rendre visible le
non visible
Le cas de données de la recherche en informatique

Cécile Favre
  Université de Lyon, Université Lyon 2, ERIC – EA3083
  Chercheure associée au CMW – UMR 5283
  5 av. Pierre Mendès-France, 69500 Bron Cedex, France
  cecile.favre@ish-lyon.cnrs.fr

RÉSUMÉ. Observer les données de la recherche avec les lunettes du genre ne constitue pas
une démarche anodine car elle sous-tend nécessairement une dimension politique sous-
jacente. Opérer une quantification sexuée constitue une première étape de la démarche, étape
qui n'est d'ailleurs pas toujours aisée. Le passage d'une analyse sexuée à une analyse genrée
revêt ensuite un enjeu crucial. Dans ce papier, après avoir précisé la terminologie de
"lunettes du genre", nous proposons d'amener une discussion sur ce passage à l'analyse
genrée des données de la recherche, sur l'apport de la pluridisciplinarité et sur l'enjeu de
cette analyse. Pour ce faire, nous nous appuierons sur le cas de données de la recherche
relevant du domaine de l'informatique, mettant en avant le contexte genré de cette discipline.
ABSTRACT. Observing research data with gender-glasses is not an innocuous approach,
necessarily leading to an underlying political dimension. Carrying out a sexual quantification
is a first step in the process, which is not always easy. The transition from a sex-based
analysis to a gender-based analysis is then a crucial issue. In this paper, after having
specified the terminology of "gender-glasses", we propose to bring a discussion on this issue
of gender analysis, about the contribution of multiple disciplines. To do this, we will rely on
the case of research data relating to the field of computer science, highlighting the gendered
context of this discipline.


MOTS-CLES : Données de la recherche ; Etudes de genre ; Informatique ; Pluridisciplinarité


KEYWORDS: Research data; Gender Studies; Computer Science; Pluridisciplinarity




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1. Introduction

    Dans un contexte de généralisation de l’accessibilité des données, avec des
initiatives au niveau de la recherche elle-même comme par exemple sur le plan
européen avec OpenAIRE1, l’informatique s’inscrit dans la dynamique de contribuer
à la scientométrie, étude quantitative de la science et de l’innovation (Leydesdorff et
Milojević, 2015). Il s’agit notamment de faire face à l’enjeu du traitement de
données de la recherche à la fois volumineuses et complexes.
    De nombreux travaux ont émergé en scientométrie, notamment sur l’exploitation
de la production scientifique (caractérisant le champ de la bibliométrie), constituant
différents miroirs de la science, et ce dans de nombreuses disciplines telles que la
sociologie des sciences, les sciences de l’information, l’histoire des sciences, etc.
    Parallèlement, les études de genre constituent elles aussi un domaine de
recherche étudié par des disciplines multiples. Le terme de "genre", qui a été
largement controversé au travers d’un emploi inapproprié du concept, renvoie
notamment à la notion de rapports sociaux de sexe, induisant sémantiquement le fait
qu’il y a un rapport hiérarchique entre les sexes qui s’est construit socialement. Il
s’agit donc bien de ne pas confondre les notions de sexe et de genre, le terme de
sexe renvoyant au sexe biologique, et la notion de genre renvoyant à la construction,
notamment sociale, de ces individus sexués.
    Mener une analyse prenant en compte la variable sexe comme catégorie
d’analyse correspond à une analyse sexuée, à savoir obtenir par exemple des
statistiques pour les femmes et les hommes. Différentes études en scientométrie se
sont intéressées à considérer le sexe comme axe d’analyse.
    Un enjeu crucial est de passer d'une analyse quantitative sexuée à une analyse
genrée en chaussant les « lunettes du genre », qui amène la mobilisation de travaux
multiples issus de différentes disciplines, pour permettre une compréhension de ces
données. Le point de départ de la discussion résidera dans l’analyse sexuée menée
sur les données bibliométriques de la conférence EGC (Extraction et Gestion des
Connaissances) qui a fait l’objet d’une publication (Cabanac et al., 2016).
    Les sciences humaines et sociales invitent à la réflexion sur la posture située du
ou de la scientifique, pour positionner la construction des savoirs. Cette posture peut
inclure la question générale du « politique » au sens le plus large. Il nous apparaît
important de préciser ici qu’inscrire notre travail dans le contexte de la scientométrie
n’induit pas forcément une posture d’évaluation de la recherche en tant
qu’évaluation de la production des savoirs, mais nous permet ici plutôt de s’inscrire
dans une posture de réflexivité sur la production de ces savoirs, et notamment, dans
ce présent article, s’intéresser aux questions : qui participe à cette production



1

https://www.europeandataportal.eu/sites/default/files/2014_open_research_in_europ
e.pdf




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scientifique et qui l’évalue, avec un focus particulier sur la représentation femmes-
hommes.
   Cet article s’organise de la façon suivante. La section 2 permet de poser le cadre
d’observation à travers le concept de lunettes du genre. Ensuite, dans la section 3,
nous resituons le travail d’analyse sexuée précédemment mené. La section 4 se
focalise, quant à elle, sur le passage de l’analyse sexuée à l’analyse genrée. Enfin,
dans la section 5, nous apportons une conclusion en précisant les perspectives
immédiates de ce travail.



2. Les lunettes du genre

    Les études de genre induisent la manipulation d’un certain nombre de concepts
qu’il est utile de bien maîtriser. Le concept de genre a été très controversé, et
mobilisé dans une sémantique qui ne correspond pas à la réalité des acceptions dans
lesquelles les scientifiques sont amené.es à le mobiliser. Quand bien même il existe
différents courants de pensée, et différentes manières d’appréhender ce concept, il
nous paraît surtout important de pouvoir revenir, dans le cadre de cet article, sur la
différence entre le concept de sexe et celui de genre2. Bereni et al. (2008) précisent
que « dans un premier temps, le « genre » a été distingué de la notion commune de
« sexe » pour désigner les différences sociales entre hommes et femmes qui
n’étaient pas directement liées à la biologie […] Cette « dénaturalisation » est un
enjeu politique majeur : si l’invocation de la « nature » sert souvent à justifier les
inégalités, la mise en avant de l’« histoire » contribue au contraire à rendre ces
inégalités plus arbitraires aux yeux de ceux qui les subissent, et facilite ainsi leur
remise en cause ».
   Utiliser les lunettes du genre, ce n’est, en aucun cas, nier les différences
biologiques entre femmes et hommes. Utiliser les lunettes du genre, pour l’analyse
de données sexuées, c’est remettre en perspective qu’au-delà d’utiliser la variable
sexe, il y a une construction sociale de ces sexes. Comme a pu l’énoncer Simone de
Beauvoir dans le Deuxième sexe, « On ne naît pas femme, on le devient ».
    Faire des analyses sexuées induit ici (et plus largement) une bi-catégorisation
femme-homme, elle-même sujette à discussion/controverse. Ceci est notamment dû
au fait qu’un pourcentage non négligeable d’enfants naisse avec une indétermination
au niveau du sexe : les personnes dites hermaphrodites. Fausto-Sterling (2013)
précise que le pourcentage des sujets dits hermaphrodites est estimé à 4% de
l’humanité.
   Mentionner ces éléments en préalable nous permet d’indiquer qu’une analyse
sexuée avec une bi-catégorisation femmes-hommes est utilisée ici par rapport à la
mobilisation des données accessibles, ce qui n’a pas pour but de remettre en cause
une perception plus globale de cette question. En effet, adopter une démarche de

2
    http://www.ecoledugenre.com




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quantification sexuée peut renforcer cette bi-catégorisation sexuée. Mais elle est
utilisée ici, dans une perspective de genre, pour l’observation d’inégalités femmes-
hommes. Ceci rejoint la perspective des études de genre qui amène une dimension
politique, et ce de façon historique, notamment d’un point de vue féministe.
    Différentes études relevant de la scientométrie se sont intéressées à une analyse
sexuée des données (Paul-Hus et al., 2015 ; Demarest et al., 2014 ; Hartley, 2014 ;
…). Ces études publiées en anglais utilisent le terme de « gender ». Il s’agit pour
nous de bien alors distinguer l’analyse sexuée de l’analyse genrée. La première étant
le fait de construire une analyse considérant le sexe comme un paramètre de l’étude,
la seconde cherchant à aller au-delà des résultats obtenus, pour les remettre en
perspective à l’aune du concept de genre, fondé sur l’idée de rapports sociaux de
sexe. Pour ce faire, utiliser les lunettes du genre nous pousse à avoir recours à des
travaux en études de genre mobilisant différentes disciplines, ce qui constitue un
point clé de la démarche, là où l’analyse sexuée des données ne constitue alors
qu’une étape préalable.



3. Analyse sexuée de la communauté EGC

   Gaudel et Rozoy (2017) proposent dans un bulletin de la Société Informatique de
France un état des lieux dans l'enseignement supérieur et la recherche pour les
femmes et l’informatique, rassemblant un certain nombre de données chiffrées. Pour
notre part, ce travail de réflexion sur l’analyse genrée de données de la recherche
prend sa source dans une étude menée à l’occasion du défi de la conférence EGC
2016. En effet, dans (Cabanac et al., 2016), nous proposions une analyse sexuée des
données de la Conférence EGC, focalisant notre attention sur trois aspects : les
publications, les membres de comité de programme et les présidences de comité de
programme.


3.1. Rappel des principaux résultats

    Nous reprenons ici les résultats concernant d’une part la participation aux
comités de programme (CP) d’EGC, d’autre part la production scientifique à cette
conférence. Concernant la participation au CP et la contribution au travers des
articles, nous mettons en perspective les chiffres d'EGC avec des statistiques plus
globales fournies par le ministère en 2012 sur le « vivier » d'enseignant.es-
chercheur.es. Nous nous focalisons sur les chiffres des sections disciplinaires du
CNU3 relatives à la communauté EGC, à savoir la 27 ème section (Informatique) et la
26ème section (Mathématiques appliquées et applications des mathématiques). Pour
les sections CNU 27 et 26, on dénombrait, environ 80 à 85% d'hommes PR, et 75 à
80% d’hommes MCF).


3
    Conseil National Universitaire : http://www.cpcnu.fr/




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    Concernant les contributions scientifiques, au prorata du nombre d'auteurs dans
les articles, globalement entre 2001 et 2015, la Figure 1 montre qu’il existe un
rapport en moyenne de 26% de femmes pour 74% d'hommes. Ce résultat montre
que, globalement, la communauté des auteurs d'EGC, bien que très masculine, se
situe dans les chiffres officiels du ministère, voire légèrement plus féminine. Les
stéréotypes de genre pouvant accentuer la présence ou l'absence des femmes selon
les champs de l'informatique, il serait intéressant d'étudier les différentes
communautés (réseaux, systèmes d'information, etc.) de façon comparative.




Figure 1. Evolution de la répartition des % des auteurs femmes et hommes dans les
                     publications d’EGC entre 2001 et 2015


     En étude sur le genre, un indicateur quantitatif issu de la démographie qui peut
être utilisé est le rapport de masculinité ; il représente le nombre d'hommes pour 100
femmes. À la naissance, le rapport de masculinité est connu pour être dans la plupart
des pays de 105 garçons pour 100 filles (s’il n’y a pas de « politiques » de natalité
spécifique par rapport au sexe des bébés). En calculant ce rapport pour les effectifs
des membres du CP, on obtient la Figure 2 qui montre qu’après un démarrage de la
conférence avec un CP très masculin (7 femmes pour 28 hommes, soit un rapport de
masculinité de 536%), le CP s'est ensuite féminisé pour atteindre des rapports de 250
à 280% selon les années, soit 72 à 75% d'hommes. Nous constatons néanmoins une
tendance à la hausse de ce rapport de masculinité depuis 2003, ce qui questionne
quant aux critères de constitution des CP.




   Figure 2. Evolution du rapport de masculinité pour les comités de programme




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3.2. Commentaires

    Il est à noter que d’un point de vue informatique, pour l’analyse, l’enjeu est la
détermination du sexe. Un des défis résiderait alors dans le fait de définir des
algorithmes le faisant automatiquement, notamment en vue d’un passage à l’échelle
au-delà de cette communauté, tentant de minimiser le taux d’erreur. Des méthodes
existent mais leur taux de réussite est loin d’être à 100%. Nous avons fait le choix de
procéder à cette assignation manuellement, de façon à en contrôler la véracité, en
croisant les données avec notre connaissance des personnes de la communauté, en
effectuant une longue recherche de cette information sur les pages Web
professionnelles ou personnelles des chercheur.es, ou encore en utilisant des
dictionnaires des prénoms. Ce choix pose évidemment la question de la tension entre
passage à l’échelle avec estimation et véracité des données quantitatives produites.



4. Vers une analyse genrée

    Il s’agit d’aller au-delà de ce que les chiffres montrent, soit pour les comprendre,
soit pour voir ce qu’ils ne disent pas, aller au-delà de ces constats de
représentativités, en mobilisant d’autres travaux relevant de disciplines différentes,
en utilisant les lunettes du genre. Comme nous avons pu le préciser précédemment,
l’étape d’analyse sexuée constitue dans ce contexte seulement une étape préalable.
    Mentionnons que cette analyse sexuée qui concernait ici la production
scientifique d’une communauté, la participation au comité de programme (qui a trait
à la visibilité, à la reconnaissance dans une certaine mesure) constitue un miroir de
cette communauté. Le recueil d’autres données de la recherche sexuées permettrait
de rendre compte d’autres aspects, comme par exemple les questions autours des
projets de recherche, de leurs financements, de la participation aux recrutements
dans le cadre des comités de sélection, des primes d’encadrement doctoral et de
recherche, des processus de qualification, etc.
   Deux points nous semblent intéressants à développer ici par rapport à cette
analyse : 1) le caractère genré de la discipline ; 2) la notion de carrière académique
impactée directement en termes de genre.
    L’informatique est une discipline que nous pouvons qualifier de genrée, dans le
sens ici où il y a un déséquilibre de représentativité femmes-hommes (dans
l’enseignement supérieur et la recherche mais plus généralement également dans les
métiers liés à l’informatique). Cette sous-représentation des femmes n’est pas due à
la « nature », parce que les femmes seraient moins aptes à faire de l’informatique…
Mais elle est le produit d’une construction socio-historique, notamment accentuée
par des stéréotypes de genre qui aujourd’hui sont très présents (notamment sur les
représentations liées à ce qu’est un « informaticien »).
   Historiquement, ce déséquilibre en informatique n’a pas toujours été aussi
marqué, voire même, l’informatique était initialement un métier féminin avant la




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généralisation du micro-ordinateur. Dans (Collet, 2006), Isabelle Collet retrace la
dimension historique de l’évolution de cette représentativité. « En l’espace de vingt
ans, la part des femmes en informatique a été divisée par deux » (Collet, 2011).
    Il s’agit notamment de préciser que l’histoire de l’informatique a été relatée, en
France notamment, en invisibilisant les femmes ayant contribué à cette discipline.
Aujourd’hui remettre en avant les femmes qui ont contribué à l’histoire de
l’informatique constitue alors une manière de déconstruire les stéréotypes de genre :
mentionnons4 par exemple Ada Lovelace, Grace Hopper, Jean E. Sammet, Karen
Spärck Jones, Mary Allen Wilkes, Margaret Hamilton, Susan Kare, Sally Floyd,
Michelle Baker, Sue Gardner.
    Les dimensions géographique et culturelle sont également à prendre en compte.
En effet, le déséquilibre sexué ne s’opère pas de cette façon dans tous les pays.
Mentionnons par exemple qu’en Malaisie, à Penang, il y a 65% d’étudiantes en
informatique, et 7 de leurs professeurs sur 10 sont des femmes5. Ainsi la
mobilisation des disciplines de l’histoire et de la géographie est essentielle pour
recontextualiser le fait que ce déséquilibre n’est pas « naturel ». Notons qu’il ne
s’agit pas de la question « faut-il absolument avoir 50% de femmes et 50%
d’hommes dans ces métiers ? », mais il s’agit plutôt de la question de la liberté
d’orientation professionnelle, notamment vis-à-vis des stéréotypes de genre qui
touchent directement les métiers de l’informatique. Dans ce cadre, la mobilisation de
travaux en science de l’éducation est essentielle (Collet, 2004).
    Sur le point de la carrière académique, la discipline de la sociologie est
particulièrement intéressante à mobiliser. En effet, les concepts de plafond de verre,
d’auto-censure, de plancher collant, d’articulation des temps de vie sont autant
d’éléments qui permettent d’aller expliciter les inégalités professionnelles. En effet,
être enseignant.e chercheur.e induit des aspects multiples en terme d’évolution de
carrière, compte-tenu des multiples tâches, les manières de promouvoir, la question
de la visibilité. Il serait possible de rendre compte quantitativement de ces aspects
grâce au recueil d’autres données sexuées, ce qui permettrait de confirmer (ou
d’infirmer) l’existence de formes d’inégalité professionnelle entre les femmes et les
hommes, non au travers d’une grille de salaire différenciée ou de recrutement
discriminant conscient, mais au travers d’autres mécanismes plus implicites.

5. Conclusion

   Ce papier avait pour objectif de poser les bases d'une discussion sur l'analyse
genrée des données de la recherche. Il en ressort deux aspects majeurs.
    Le premier porte sur les enjeux de la pluridisciplinarité, voire de
l’interdisciplinarité, pour aller au-delà de la production de données chiffrées, avec


4
    http://blog.iakaa.com/ces-10-femmes-qui-ont-change-linformatique/
5
    http://blog.mondediplo.net/2007-05-29-L-informatique-a-t-elle-un-sexe




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un besoin de recontextualisation pour la compréhension et l’analyse de ces données
grâce aux lunettes du genre.
    Le second a trait à l’enjeu de cette production de données chiffrées, pouvant
rendre visibles certaines problématiques liées notamment aux questions
d’égalité/d’inégalité. Ce second aspect renvoie à la dimension politisée des études de
genre de manière générale. L’étude des solutions face à ces problématiques revêt
alors un enjeu particulier.
    La représentativité femmes-hommes qui ressort au travers des chiffres pose alors
la question de la mise en place de politiques de quotas, qui commencent d’ailleurs à
émerger sur différents plans dans le monde académique (constitution des comités de
sélection par exemple). Ceci constitue une stratégie controversée, prenant en compte
de manière explicite le sexe des personnes. L’objectif visé d’aller vers davantage
d’égalité (ou d’équilibre de représentativité dans un premier temps) est alors soutenu
par une stratégie qualifiée parfois de « discriminante », dans la mesure où,
sémantiquement, elle a été traduite de l’anglais « positive action », de façon
inappropriée, par la notion de « discrimination positive ». Il est alors important de
rappeler qu’il s’agit d’une stratégie (d’un levier) qui relève en fait d’un rattrapage
des inégalités.
    La mise en œuvre d’une politique de quotas dans le contexte académique
nécessite cependant une étude plus approfondie, fondée sur une méthode de
recherche qualitative, telle que les enquêtes par entretien. Il s’agit de questionner
cette alternative, notamment dans un domaine tel que l’informatique qui est genré,
avec une sous-représentation des femmes. En effet, le métier d’enseignant.e
chercheur.e revêt de nombreuses facettes en terme de tâches. Quels objectifs sont
visés par de telles politiques et qu’est-ce qu’elles produisent, sur les plans
individuels et collectifs ? La mise en place de ces quotas n’induirait-elle pas une
forme de sur-sollicitation des femmes, peut-être contre-productive par rapport aux
objectifs initiaux, notamment en termes d’égalité dans le déroulement de la carrière
académique ?

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