Annotation sémantique pour l’indexation
de règles métiers ?
A. Guissé, F. Lévy, A. Nazarenko, S. Szulman
LIPN UMR 7030 (Université Paris 13 & CNRS)
99, av. J.B. Clément, 93430, Villetaneuse
prénom.nom@lipn.univ-paris13.fr
Résumé : Les systèmes décisionnels reposent généralement sur un en-
semble de règles métiers dont la formalisation nécessite souvent de revenir
aux documents sources pour des raisons de justification ou de mainte-
nance. Cela pose un problème complexe d’annotation sémantique puis-
qu’il faut articuler des textes réglementaires, des règles métiers qui en
sont dérivées de manière plus ou moins directe et une ontologie du do-
maine qui décrit le vocabulaire conceptuel dans lequel les règles métiers
s’expriment. Nous proposons une structure riche d’index qui permet de
passer des concepts de l’ontologie et des règles aux textes et inversement.
Mots-clés : Annotation, indexation, règles métiers, ontologie.
1 Introduction
Les systèmes décisionnels reposent généralement sur un ensemble de règles mé-
tiers qui décrivent formellement les critères et les processus de décision. L’une des
difficultés consiste à traduire les textes réglementaire qui n’existent souvent que
sous la forme rédigée en un système cohérent et complet de règles formalisées. Les
méthodes d’acquisition de connaissances à partir de textes et d’extraction d’in-
formation ne permettent pas de dériver automatiquement ces règles des textes
réglementaires qui sont pourtant de précieuses sources d’information. L’édition
des règles doit donc se faire au moins en partie manuellement.
Pour assister ce travail d’édition, il est important d’expliciter l’ontologie du
domaine, ce qui détermine le vocabulaire conceptuel à utiliser. Il est également
important de s’appuyer sur les documents sources qui contiennent les connais-
sances à formaliser sous la forme de règles. Une fois les règles formalisées élabo-
rées, il est précieux de conserver le lien entre le résultat et le passage de texte
dont il est dérivé pour pouvoir justifier les règles elles-mêmes ou les prises de
décision. C’est également utile en termes de maintenance : si la documentation
?. Ce travail a été partiellement financé dans le cadre du projet Ontorule FP7 Collaborative
project n°231875.
TIA 2009
évolue il faut que la base de règles soit mise à jour en conséquence (suppression
ou ajout de règles) ; inversement, si la base de règles est modifiée, il faut indiquer
quels textes doivent être actualisés.
La gestion des règles métiers dans les systèmes de décision pose ainsi un pro-
blème complexe d’annotation sémantique : il faut articuler des textes réglemen-
taires, des règles métiers qui en sont dérivées de manière plus ou moins directe
et une ontologie du domaine qui décrit le vocabulaire conceptuel dans lequel les
règles métiers s’expriment. C’est ce problème d’annotation sémantique que nous
cherchons à résoudre. Nous proposons ici une structure riche d’index qui permet
de passer des concepts de l’ontologie et des règles aux textes et inversement.
Après avoir situé notre travail par rapport aux travaux d’annotation séman-
tique existants et dans une problématique d’indexation (section 2), nous présen-
tons notre modèle d’index en montrant en quoi il étend les approches classiques
d’annotation et comment il est implémenté (section 3). L’approche proposée a
été testée sur un problème particulier de gestion des points de fidélité par une
compagnie aérienne. Les résultats de cette première expérimentation sont pré-
sentés dans la section 4.
2 De l’annotation à l’indexation
Le terme d’« annotation sémantique » désigne aussi bien l’activité consistant à
apposer une « note » sur une partie de document ou de texte que la note qui en
résulte. Il renvoie d’emblée à une multitude de pratiques depuis les remarques des
relecteurs qui viennent commenter ou corriger les textes qu’ils lisent, jusqu’aux
clés d’indexation apposées par les documentalistes, aux « tags » des usagers
du web 2.0 ou aux propriétés linguistiques qui peuvent être explicitées pour
faciliter le retravail de certains textes. De façon générale, l’annotation consiste
en un apport d’informations de nature interprétative aux données brutes (Leech,
1997). L’annotation sémantique se traduit par la définition d’une sur-couche
d’informations sémantiques qui viennent donner un sens aux textes. Ce sont des
« meta-données », étant entendu que ces meta-données peuvent avoir une portée
locale et être seulement relatives à des fragments de texte.
2.1 Outils d’annotation sémantique
Les outils qu’on appelle « d’annotation sémantique » se situent généralement
dans le cadre du Web Sémantique. Ils servent à créer et gérer des annotations
qui donnent une description formelle du contenu des ressources du Web. Ils
reposent sur un modèle formel de connaissances, en général une ontologie, et
exploitent de plus en plus les standards du Web Sémantique (principalement
XML pour les documents, SKOS et OWL pour le modèle sémantique, RDF
pour les annotations).
Il existe de nombreux outils d’annotation sémantique 1 qu’Amardeilh (2007)
1. Voir (Uren et al., 2006) pour une revue de l’état de l’art.
Annotation sémantique & règles métiers
distingue selon la nature des ressources documentaires annotées (texte, image,
vidéo, etc.), le mode d’annotation (automatique, semi-automatique, ou manuel),
l’ontologie de référence utilisée, etc. Nous nous intéressons ici aux seuls outils
d’annotation de documents textuels.
Les outils les plus fréquemment utilisés pour l’annotation de documents tex-
tuels sont SMORE (Kalyanpur et al., 2003), Annotea (Kahan et al., 2001),
Semtag (Dill et al., 2003), KIM (Popov et al., 2003), UIMA (IBM, 2006), ce
dernier étant plus une plate-forme incorporant des modules d’annotation séman-
tique. Ces outils reposent eux-mêmes sur des outils d’extraction pour identifier
les fragments de texte à annoter et leur associer une étiquette sémantique. Il
s’agit d’ordinaire de systèmes d’extraction d’informations dans des ressources
non structurées qui exploitent une analyse linguistique du texte comme certains
modules d’extraction d’information intégrés à la plate-forme linguistique GATE
(Cunningham, 2002), Amilcar (Ciravegna & Wilks, 2003).
Du point de vue sémantique, le processus d’annotation se traduit souvent par
un peuplement d’ontologie avec la détection de nouvelles instances de concepts ou
de relations entre instances qui viennent enrichir l’ontologie (Popov et al., 2003;
Amardeilh et al., 2005). Ce sont alors les entités nommées qui sont repérées dans
les textes et annotées par les instances de concepts auxquelles elles renvoient, les
entités nommées étant des unités textuelles dotées d’une autonomie référentielle.
2.2 Annoter pour indexer
Les usages de la représentation sémantique issue de l’annotation peuvent à
grands traits être séparés en deux classes. Dans la première, l’annotation est
utilisée pour sa valeur sémantique et sa source textuelle n’est plus nécessaire une
fois que le travail d’analyse a été fait. Il s’agit alors d’extraire des connaissances,
éventuellement d’alimenter des bases de données. Dans la seconde, l’annotation
sert à accéder au texte qui lui a donné naissance. Nous parlons alors d’indexation
et c’est ce type d’utilisation qui nous intéresse ici.
La représentation sémantique peut en effet être utilisée à des fins de recherche
documentaire, le lien entre annotations et ressources textuelles facilitant l’inter-
rogation de ces dernières. Dans une perspective d’acquisition de connaissances à
partir de textes, les annotations sémantiques permettent de tracer le lien entre
des documents et des ressources sémantiques construites à partir de ces derniers.
L’indexation permet aussi de documenter les connaissances que représentent les
annotations sémantiques, voire de les maintenir à jour quand les textes de réfé-
rence évoluent. De manière générale, il s’agit d’utiliser la structure sémantique
construite par les annotations pour identifier des éléments dans un document et
naviguer des éléments sémantiques aux fragments de texte ou vice-versa.
Le terme d’« indexation » est utilisé ici pour désigner l’ensemble des annota-
tions sémantiques mais vues comme un espace de navigation entre les textes et
une structure sémantique. Nous parlons d’« index » pour désigner la structure
complexe qui associe une structure sémantique à un texte via des annotations
sémantiques particulières.
TIA 2009
2.3 Structure d’un index
Plus formellement et de manière générale, nous définissons un index comme
une structure composée de 3 sous-structures.
Le modèle de document détermine quels fragments de texte sont des unités
documentaires pouvant supporter un lien d’indexation. En principe n’importe
quelle liste de caractères peut être annotée mais on se limite en général à des
intervalles continus. On peut aussi typer les séquences de caractères en question
pour distinguer des mots, des syntagmes, des phrases, des paragraphes, des sec-
tions de document, etc. La structure d’index dépend largement du modèle de
document considéré. Dans le cas de la plateforme KIM (Popov et al., 2003), par
exemple, seules les entités nommées peuvent servir de support à l’indexation.
Dans un index traditionnel comme celui de la base MedLine 2 , l’unité documen-
taire généralement considérée est le document pris dans son ensemble.
Le modèle sémantique, quant à lui, indique quelles unités sémantiques peuvent
être associées aux unités documentaires et quelles relations ces unités séman-
tiques entretiennent entre elles. Ce modèle sémantique peut être un simple the-
saurus (les documents de MedLine sont associés à des descripteurs extraits du
thesaurus MESH 3 ) mais, dans le cadre du Web Sémantique, il s’agit générale-
ment d’un modèle ontologique. Il est souvent utilisé de manière partielle, cepen-
dant, comme dans KIM où seules des instances peuvent être utilisées pour anno-
ter 4 alors qu’on peut généraliser l’approche et donner tout élément de l’ontologie
(concept, rôle, instance de concept ou de rôle) comme cible du lien d’indexation.
Le modèle de correspondance associe des unités documentaires (ud), à des uni-
tés sémantiques (us). Dans le cas le plus simple, un lien d’indexation se repré-
sente comme un couple (udi , usi ) mais ces liens peuvent porter des propriétés :
on peut les typer pour marquer le rôle que le fragment de texte joue par rapport
à l’unité sémantique (définition vs. exemple), indiquer l’usage pour lequel ils sont
proposés (spécialisé vs. grand public), leur associer un poids de pertinence, etc.
Dans le cas général, un lien d’indexation se représente donc comme un triplet
(li , udi , usi ) où li est la liste des propriétés du lien associant udi à usi .
3 Un modèle d’indexation
Les outils d’annotation souffrent généralement d’une double limitation qui
contraint la richesse du modèle d’indexation qu’ils peuvent supporter. Les types
d’annotations possibles sont peu variés et le modèle sémantique retenu, l’onto-
logie, limite par lui-même le type des annotations qui peuvent être posées sur le
texte. Dans notre cas, nous cherchons à associer divers types d’éléments ontolo-
giques (instances, concepts, rôles) aux fragments textuels mais aussi des règles
métiers qui ne sont pas toutes représentables dans une ontologie. Ceci nous invite
à travailler sur un modèle sémantique étendu.
2. www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed
3. www.nlm.nih.gov/mesh
4. Elles sont créées à la volée lors de l’annotation pour venir peupler l’ontologie.
Annotation sémantique & règles métiers
3.1 Modèle pour l’indexation des règles métiers
Pour intégrer la documentation technique dans le système de gestion des règles
métiers d’un outil d’aide à la décision, il faut s’appuyer sur une structure d’index
assez riche.
Le document est représenté de manière classique comme une structure arbores-
cente T = hr, A11 , A12 , ...A1n i où r, la racine de l’arbre, représente le corpus complet
qui s’analyse à la profondeur 1 en une séquence de sous-arbres A1i correspondant
à autant de sous-structures textuelles. Celles-ci s’analysent elles-mêmes récursi-
vement en séquences ordonnées de structures plus élémentaires. Les noeuds de
l’arbre correspondent donc aux structures suivantes : le corpus (la racine), le
document, les différents niveaux de sections et sous-sections, les paragraphes,
les phrases et les mots 5 . Une unité documentaire ud(t) est bien formée si elle
correspond à une séquence de noeuds de l’arbre relevant d’un même père. Au-
trement dit, ud(t) est une unité documentaire ssi ud(t) = r ∨ (∃k, l)(ud(t) =
(Aki , Aki+1 , ...Aki+j ) ∧ Ak−1
l = (Ak1 , Ak2 , ...Aki , Aki+1 , ...Aki+j , ...Akn )) avec j ≥ 0 et
n ≥ i + j. Concrètement, ce modèle documentaire autorise l’annotation d’une
séquence de mots, d’une phrase, d’une séquence de paragraphes ou d’une section
mais pas d’une liste de phrases qui commencerait au milieu d’un paragraphe et
se poursuivrait sur le paragraphe suivant ou de deux mots disjoints.
Notre modèle sémantique présente une double originalité. Il tire profit de la
diversité des éléments ontologiques (concepts ou instances de concepts le plus
souvent) et il comporte, outre l’ontologie, une base de règles qui peuvent elles
aussi être la cible d’un lien d’indexation. Certaines règles peuvent s’exprimer
comme des restrictions de rôles dans l’ontologie mais elles sont néanmoins réi-
fiées dans la base de règle, ce qui permet d’y faire référence. D’autres (les règles
procédurales notamment) débordent le pouvoir de représentation d’une ontolo-
gie. L’ontologie et la base de règles constituent un modèle sémantique unifié.
Etant donné l’ontologie O = hC, R, I, RIi composée d’un ensemble de concepts
(C), rôles (R), instances (I) et relations entre instances (RI) ainsi que de la base
de règles BR = {r1 , r2 , .....rn }, toute unité sémantique us de C ∪R ∪I ∪RI ∪BR
peut être cible de liens d’indexation.
A ce stade, notre système repose sur un modèle de correspondance très simple
qui se décrit comme un ensemble de couples associant une unité documentaire à
une unité sémantique 6 (C = {(ud1 , us1 )(ud2 , us2 )), ...(udn , usn )}).
3.2 Implémentation
Par souci d’uniformité et de compatibilité, nous utilisons pour les formats de
représentation les standards du W3C pour le Web Sémantique.
Le texte est en XML. Il est découpé hiérarchiquement en document, sections,
paragraphes, etc. La phrase est l’élément de plus bas niveau, l’élément mot
restant implicite. Nous avons par exemple pour la phrase 11 d’un texte donné :
5. La notion de phrase ou de mot n’est pas définie ici sur des critères linguistiques mais
formellement par un algorithme de segmentation déterministe.
6. Noter que tous les udi et tous les usj ne sont pas forcément distincts entre eux.
TIA 2009
Each qualifying activity extends the
expiration date of all unexpired mileage credit in your account for
18 months from the date of the qualifying activity.
L’ontologie est représentée en OWL, Ontologie Web Language (Hendler et al.,
2004). Le concept Qualifying activity qui est mentionné deux fois dans la
phrase précédente est représenté par la classe OWL Qualifying_activity, sous-
classe de Activity :
Les règles métiers sont définies en RIF (Rule Interchange Format, RIF06),
standard du Web pour la définition de règles. L’exemple ci-dessous utilise la
«RIF-Core Presentation Syntax» (traductible en xml par sérialisation) pour dé-
finir la règle R6 décrite par la phrase précédente. L’opérateur :- est l’opérateur
d’implication des règles de production.
Prefix(func )
Prefix(terminae http://lipn.univ-paris13.fr/terminae#)
forall(R6) ?x ?y ?z ?date
?date [func:numeric-add -> "18"] :-
AND(
?x [rdf:type -> terminae:Qualifying_activity
terminae:hasAccount -> ?y]
?y [rdf:type terminae:Account]
?z [rdf:type -> terminae:Mileage_credit
terminae:unexpired -> "yes"
terminae:isContentOf -> ?y
terminae:expiration_date -> ?date]
)
L’index est décrit sous forme de triplets RDF (Resource Description Frame-
work (Ora & Swick, 1999)). Dans l’exemple suivant, nous définissons deux corres-
pondances. La première fait le lien entre la classe OWL Qualifying_activity
et le fragment "qualifying activity” situé entre les positions 5 et 24 de la phrase
11. La seconde fait le lien entre la règle R6 et la phrase 11 dans son ensemble.
qualifying activity
5
24
Annotation sémantique & règles métiers
Cet index permet de naviguer d’une ressource à l’autre mais il peut être aussi
chargé dans un moteur de recherche sémantique pour être interrogé via des re-
quêtes SPARQL (Prud’hommeaux & Seaborne, 2006), un langage de requête
pour le noyau commun RDF de nos formalismes sémantiques. Un tel disposi-
tif permet par exemple de calculer, pour une règle métier donnée, la liste des
concepts de l’ontologie et les unités documentaires auxquels elle est associée.
4 Expérience
Nous avons indexé un premier corpus pour montrer l’intérêt de cette structure
de navigation.
4.1 Présentation du corpus
Le corpus choisi concerne un système de points de fidélité ou avantages destiné
aux voyageurs utilisant régulièrement les services de la compagnie American Air-
line. Il est représentatif d’une large classe de textes décrivant les règles métiers,
tout en restant accessible au public. Il décrit les droits et obligations des parties,
soit un peu plus de 5300 mots répartis en 256 paragraphes.
Chaque type d’avantage est décrit avec les conditions d’obtention des points,
leurs conditions d’utilisation, leur mode de calcul, leur période de validité. La
plupart des sections consistent en une liste de sujets traités indépendamment,
chacun dans un paragraphe (1 à 9 lignes). L’annotation pertinente pour une règle
embrasse donc au plus un paragraphe, le plus souvent une ou deux phrases.
4.2 Exemple détaillé
Considérons par exemple un fragment du premier paragraphe du texte :
AAdvantage members must have mileage earning or redeeming activity
once every 18 months in order to retain their miles. Each qualifying
activity extends the expiration date of all unexpired mileage credit in
your account for 18 months from the date of the qualifying activity.
Qualifying activity is defined as redeeming any AAdvantage award
or accruing mileage credit on any eligible American, American Eagle,
AmericanConnection or AAdvantage airline participant as well as
accruing mileage credit with participating hotels, car rental compa-
nies, credit cards, telecommunication providers, and other service
providers offering AAdvantage mileage credit.
TIA 2009
Les principaux termes renvoyant à l’ontologie du domaine sont soulignés. On
y trouve ainsi mentionné le concept de bonus disponible (credit, miles, mi-
leage ou mileage credit) qui a une date limite (expiration date). Il subsume
le concept de bonus inutilisé (unused mileage credit) dont une sous-classe est
bonus hors délai (expired milage credit). Le bonus gagné (earned mileage
ou accrued mileage) est lié à un achat (de ticket ou transaction) qui doit être
convenable (eligible ticket. et eligible participant) même si ce lien n’est pas
désigné par un nom ou un verbe spécifique. On relève aussi des entités nom-
mées (American Airline, American Eagle, AmericanConnection) qui désignent
des compagnies aériennes et qui peuvent se modéliser comme instances d’un
concept compagnie aérienne.
L’analyse du texte fait également apparaître des éléments grammaticaux qui
peuvent servir de marqueurs de règles : ils sont en gras dans notre exemple. Si
must . . . in order to et is defined as semblent assez fiables, as well as ne porte
pas de sémantique par lui-même. Each peut marquer une régularité, mais reste
un indice incertain. Certains concepts pourraient aussi jouer le rôle de marqueur
de règle, par exemple dans cette phrase date limite (expiration date).
Cette même analyse montre qu’on peut grossièrement catégoriser les règles
sur la base de deux attributs : la valeur de la règle (obligation, recommandation,
permission, necessité, affirmation de compétence, définition, règle de calcul, etc.)
et sa portée (universelle, éventuelle, sous condition, par exception, etc.).
L’une des difficultés de la modélisation des règles métiers à partir de ce type
de texte destiné aux clients de l’entreprise est qu’il faut renverser la perspective
et exprimer les règles du point de vue de l’entreprise (le système de décision
guide le comportement de l’entreprise et pas celui de ses clients, même s’il doit
respecter les règles déclarées à ceux-ci). Ainsi la première phrase décrit un état
de fait (si les membres n’ont pas d’activité, leur crédit est perdu) et se rattache à
la catégorie necessité sous condition alors que du point de vue des membres,
elle s’interpréterait plutôt comme une obligation. La seconde phrase décrit au
contraire une obligation sous condition, puisque l’entreprise doit ajuster
la date limite dès que le membre a une activité qualifiante. La dernière phrase
étant plutôt une définition, elle doit s’exprimer dans l’ontologie : qualifying
activity serait ainsi un concept plus spécifique que activity en lien avec des
activités à définir (redeeming an award et accruing mileage credit).
4.3 Espace de navigation
Pour manipuler l’index au niveau sémantique et exploiter la richesse de sa
structure, nous avons conçu une interface de navigation dans cette structure. Cet
espace de navigation se décompose en trois zones principales comme le montre
la figure 1 (nous reviendrons plus loin sur la zone 4). Le texte est affiché dans
une fenêtre centrale (zone 2), phrase par phrase dans cette version préliminaire.
Le modèle sémantique est ici présenté en deux parties : la zone 1 à gauche donne
accès à l’ontologie et les règles sont visibles dans la zone 3 à droite. Ce modèle
est cependant unifié dans la mesure où les règles sont liées aux éléments de
Annotation sémantique & règles métiers
l’ontologie. Cela n’est pas visible sur la figure mais les occurrences du concept
sélectionné dans l’ontologie sont automatiquement marquées en couleur dans le
texte de même que l’unité documentaire associée à une règle (la phrase dans
cette première version).
Figure 1 – Visualisation de l’espace de navigation
4.4 Construction de l’index
La construction de l’index suppose la reconnaissance d’une valeur sémantique
dans un élément du modèle textuel. A terme, il faudra aussi reconnaître la force
du lien lui-même. Nous distinguons ici les annotations ontologiques et les anno-
tations de type règles.
Les méthodes de construction d’ontologies à partir de textes comme Termi-
nae (Aussenac-Gilles et al., 2008) ont l’avantage de conserver la trace des élé-
ments textuels à partir desquels les concepts et les relations conceptuelles ont
été construits. Se trouvent ainsi associés aux concepts les termes sous la forme
desquels ils s’expriment dans les textes. On peut aussi avoir des marqueurs ou
des patrons associés aux relations conceptuelles (Jacques & Aussenac-Gilles,
2006). Ce sont ces connaissances linguistiques associées à l’ontologie qui sont
exploitées pour l’annotation des textes et la construction des liens d’indexation
texte-ontologie.
L’annotation des règles métiers est plus complexe. L’analyse de corpus qui
précède montre que cette annotation ne peut être faite automatiquement. Il faut
donc prévoir un éditeur de règles, ce qui amène à penser l’index non pas unique-
ment pour la consultation des ressources (textes, ontologie, base de règle) mais
aussi pour la construction des règles. Les analystes qui écrivent les règles métiers
s’appuient en effet sur les sources textuelles. Il s’agit à la fois de localiser les zones
de texte porteuses d’informations réglementaires et de les « traduire » en règles.
Cela peut se faire par le repérage de marqueurs linguistiques et de schémas de
phrases. Le vocabulaire déontique est un indice important, car une règle est en
TIA 2009
général une obligation ou une interdiction. Celle-ci peut se manifester dans le
verbe (devoir, être obligé de, être interdit), une nominalisation (obligation) ou
une qualification (obligatoire). On peut même reconnaître des structures caracté-
ristiques de certaines catégories de règles même si ces structures restent souvent
sous-spécifiées et ambigües. Par exemple, une phrase de type «[NP] must [VP]
in order to [VP]» a des chances d’être « traduite » en règle d’obligation.
Il faut donc, pour la construction des annotations elles-mêmes, prendre en
compte des connaissances linguistiques associées aux éléments du modèle sé-
mantique : des termes associés aux concepts, des entités nommées associées aux
instances mais aussi des marqueurs et patrons associés aux règles et dans le
cas général des règles d’annotation permettant de repérer, délimiter et désam-
biguïser les éléments du texte à annoter 7 . Nous considérons que ces éléments
linguistiques ne font pas partie du modèle sémantique tel que défini dans la sec-
tion 3.1 : les patrons de règles ne font pas plus partie de la base de règles que
les termes ou marqueurs de relations de l’ontologie à proprement parler. Pour
l’instant le lien entre les unités sémantiques et leurs réalisations linguistiques
(éléments lexicaux ou patrons plus complexes) est maintenu de manière ad hoc
– et on voit apparaître, dans la figure 1, une zone 4 qui présente des patrons
associés aux catégories de règles de la zone 3 –, mais un modèle permettant de
formaliser cette articulation est à l’étude (Ma et al., 2009).
5 Conclusion
Cet article propose un modèle d’annotation sémantique et une première ex-
périence d’annotation qui montrent comment on peut articuler des textes régle-
mentaires, la base de règles métiers qui en est issue et une ontologie qui fixe le
vocabulaire conceptuel dans lequel les règles sont exprimées. La structure ob-
tenue est un index, et une interface de navigation permet de passer du texte
à l’ontologie, du texte aux règles, des règles à l’ontologie, etc. Cette interface
repose sur des standards du W3C.
De manière classique, notre modèle d’index se décrit comme l’association d’un
modèle documentaire, d’un modèle sémantique et d’un modèle de correspon-
dance qui relie des unités documentaires à des unités sémantiques. C’est la ri-
chesse de ce modèle qui en fait l’originalité. Une grande variété d’unités docu-
mentaires peuvent être source des liens d’indexation (du mot à la séquence de
sections) et une grande variété d’unités sémantiques peuvent en être la cible (des
instances de concepts mais aussi des concepts, des rôles ou leurs instances voire
des règles métiers puisque notre modèle sémantique combine une ontologie et
une base de règles métiers).
7. La mise au point de ce ces règles d’annotation (ou patrons d’extraction) est une question
reconnue comme délicate dans le domaine de l’extraction d’information et elle déborde du
cadre de ce travail. Pour l’instant, nous nous contentons de prendre en compte des patrons
lexicaux simples.
Annotation sémantique & règles métiers
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